Restrictions « en raison de la situation en Russie » : quelles interdictions à l’exportation au 27 mai 2024 ?
Affaires - Affaires
30/05/2024
Publié au JOUE du 27 mai 2024, le règlement 2024/1485 daté du même jour introduit des restrictions commerciales à l’exportation vers la Russie s’agissant de marchandises soit susceptibles d’être utilisées à des fins de répression interne, soit destinées principalement à la surveillance ou à l’interception de la sécurité de l’information et des télécommunications. Ces mesures s’appliquent dès le 27 mai 2024 et jusqu’au 28 juin 2025, sauf modification ou prolongation, selon la décision (PESC) 2024/1484 du 27 mai 2024 que ledit règlement met en œuvre.
La décision (PESC) 2024/1484 du 27 mai 2024 « concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Russie » (c’est-à-dire, selon son considérant 8, en raison de « graves violations des droits de l’homme ou de graves atteintes à ces droits, de la répression de la société civile et de l’opposition démocratique, et portant atteinte à la démocratie et à l’état de droit en Russie ») prévoit des restrictions commerciales à l’exportation d’articles susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne, ou destinés principalement à la surveillance ou à l’interception de la sécurité de l’information et des télécommunications. Le règlement 2024/1485 du 27 mai 2024 met en œuvre cette décision notamment en listant les marchandises concernées et en précisant les exclusions et dérogations aux restrictions.
Marchandises susceptibles d’être utilisées à des fins de répression interne
Le règlement 2024/1485 en son article 2 prévoit donc l’interdiction « de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne dont la liste figure à son annexe I, originaires ou non de l’Union, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie ou aux fins d’une utilisation en Russie ».
Cet article 2 établit aussi une exclusion à l’application de cette interdiction : elle ne s’applique pas « aux équipements de protection exportés temporairement en Russie par le personnel des Nations unies, le personnel de l’Union européenne ou de ses États membres, les représentants des médias, le personnel humanitaire, le personnel d’aide au développement et le personnel associé, pour leur usage personnel exclusivement ».
Il organise aussi deux types de dérogation à l’interdiction de vente, fourniture, transfert ou exportation de ces biens, les autorités compétentes des États membres peuvent les autoriser :
- lorsqu’ils sont « destinés exclusivement à être utilisés à des fins humanitaires ou de protection, aux programmes de renforcement des institutions des Nations unies ou de l’Union ou aux opérations de gestion des crises menées par les Nations unies ou l’Union ou par des organisations régionales et sous-régionales » ;
- ou lorsqu’elles ont établi que cela est nécessaire soit au fonctionnement des représentations diplomatiques et consulaires de l’Union et des États membres ou des pays partenaires en Russie, y compris les délégations, les ambassades et les missions, ou les organisations internationales en Russie jouissant d’immunités conformément au droit international, soit à la fourniture de services de communication électronique par les opérateurs de télécommunications de l’Union, à la fourniture des ressources et des services associés nécessaires au fonctionnement, à la maintenance et à la sécurité de tels services de communication électronique, en Russie, en Ukraine, dans l’Union, entre la Russie et l’Union, et entre l’Ukraine et l’Union, et aux services de centres de données dans l’Union.
Equipements et technologies ou logiciels pour la surveillance ou l’interception d’internet et des télécommunications
L’article 3 du règlement 2024/1485 prévoit lui aussi l’interdiction de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, les biens énumérés à son annexe II (équipements, technologies ou logiciels de sécurité de l’information et de télécommunications susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne), originaires ou non de l’Union, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie ou aux fins d’une utilisation en Russie, sauf autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre concerné. Il ajoute que les autorités compétentes n’accordent aucune autorisation si elles ont des « motifs raisonnables » permettant d’établir que ces marchandises-ci sont destinées à être utilisées à des fins de répression interne par le gouvernement ou les organismes, entreprises ou agences publics de la Russie ou par toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions (une lecture a contrario permet donc la délivrance d’autorisation).
Deux types de dérogation à l’interdiction sont aussi prévues par l’article 3 lorsque les autorités compétentes ont établi que « cela est nécessaire :
- a) au fonctionnement des représentations diplomatiques et consulaires de l’Union et des États membres ou des pays partenaires en Russie, y compris les délégations, les ambassades et les missions, ou les organisations internationales en Russie jouissant d’immunités conformément au droit international ;
- b) à la fourniture de services de communication électronique par les opérateurs de télécommunications de l’Union nécessaires au fonctionnement, à la maintenance et à la sécurité, y compris la cybersécurité, des services de communication électronique, en Russie, en Ukraine, dans l’Union, entre la Russie et l’Union, et entre l’Ukraine et l’Union, et aux services de centres de données dans l’Union ».
Lien avec le règlement n° 833/2014 modifié relatif aux restrictions consécutives à l’invasion de l’Ukraine par la Russie
L’article 3 ci-dessus du règlement de 2024 est « sans préjudice de l’article 2 bis du règlement (UE) no 833/2014 » du 31 juillet 2014 qui prévoit des restrictions contre la Russie en raison de sa guerre d’agression en Ukraine (cet article 2 bis concerne l’interdiction notamment d’exportation de biens et technologies susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie ou au développement du secteur de la défense et de la sécurité ; voir n° 435-4) et l’annexe II précise que, nonobstant son contenu, elle ne s’applique pas lorsque l’article 2 bis du règlement no 833/2014 s’applique. Les considérants 4 et 5 du règlement 2024/1485 indiquent aussi :
- les restrictions imposées par le règlement de 2024 concernant les biens des annexes I et II précitées sont sans préjudice de celles qui s’appliquent en vertu du règlement no 833/2014 ; lorsqu’un bien relève d’une des catégories figurant aux annexes I et II du règlement 2024/1485 et du champ d’application du règlement no 833/2014, les restrictions énoncées dans ce dernier « devraient s’appliquer » ;
- l’annexe II du règlement de 2024 précise les catégories de biens jugés comme étant pertinents pour une utilisation à des fins de répression interne sur la base de leurs capacités techniques ; si un bien relève du champ d’application du règlement no 833/2014, les restrictions que ce règlement-ci fixe devraient s’appliquer indépendamment du fait que le bien réponde ou non aux capacités techniques précisées à l’annexe II précitée.
Biens non énumérés aux annexes I et II : une clause « attrape-tout »
Selon l’article 5 du règlement 2024/1485, les interdictions prévues ci-dessus par ses articles 2 et 3 ci-dessus :
- s’appliquent « lorsque des équipements, des technologies ou des logiciels non énumérés aux annexes I et II sont destinés, en tout ou en partie, à être utilisés dans le cadre de la répression interne en Russie » ; si un opérateur en prend connaissance, « il le notifie immédiatement aux autorités compétentes » ;
- mais ne s’appliquent pas si l’opérateur n’avait aucune raison de soupçonner que ces mêmes biens sont destinés, en tout ou en partie, à l’utilisation ci-dessus.
Remarques
Autrement dit, cet article 5 correspond à une clause « attrape-tout » qui met en jeu les diligences des opérateurs et leur capacité à s’informer ou à soupçonner la destination de tels biens.
Entrée en vigueur et durée d’application
La décision ci-dessus entre en vigueur le 27 mai 2024, tout comme le règlement qui détermine les marchandises qu’elle vise. La décision s’applique jusqu’au 28 mai 2025 et fait l’objet d’un suivi constant : elle sera prorogée, ou modifiée selon le cas, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.
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