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« Brèves douanières » au 28 mai 2024 : jurisprudences

Affaires - Transport
29/05/2024
Les décisions de justice « en bref » diffusées depuis le 23 avril 2024 et non traitées par ailleurs « dans ces colonnes ».
Espèce des marchandises : la règle générale d’interprétation n° 3 b) de la NC
 
Classement d’un emballage en carton et plastique : règle appliquée. – La règle générale d'interprétation n° 3 b) de la nomenclature combinée (NC) prévoit que « les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a), sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination ». À propos d’un emballage composé de deux éléments, l'un en plastique et l'autre en carton, il a été jugé que cette règle doit être appliquée : « S'agissant de flacons destinés à contenir des liquides ménagers, leur fonction essentielle est assurée par l'enveloppe plastique sans laquelle le liquide s'échapperait nécessairement, la stabilité du récipient assurée par la coque en carton n'étant qu'accessoire, nonobstant la valeur et le poids supérieurs de l'élément carton » (TJ Bobigny, 16 mai 2024, nº 22/04445, CB Stock c/ Direction générale des douanes et des droits indirects).
 
Classement d’un emballage en carton et plastique : règle écartée. – À propos de dispositifs de visserie avec des en pièces métal et en plastique permettant d'assembler et de monter un réservoir d'eau sur une cuvette, la cour d’appel de Rennes, pour écarter la règle n° 3 b), retient : « il ressort de la description du produit et de ses conditions d'utilisation que son étanchéité n'est pas seulement inhérente à un article d'assemblage en matière de plomberie. Le produit étant totalement immergé, il est destiné autant à assembler le réservoir et la cuvette (pièces métalliques) qu'à assurer l'étanchéité du réservoir fixé (pièces plastiques). Par voie de conséquence, le critère de classement selon la matière ou l'article qui lui confère son caractère essentiel n'est pas applicable, de sorte que le produit doit être classé selon la règle 3c » (CA Rennes, 7 mai 2024, nº 21/04438, Direction régionale des douanes et droits indirects des Pays-de-la-Loire c/ Wirquin Plastiques). Cette décision s’inscrit dans la ligne de celle retenue par la Cour de cassation (Cass. com., 13 mars 2024, nº 22-20.440 ; voir « Classement d'article composite : cas d'inapplicabilité de la règle nº 3 b) et rappel » dans « Brèves douanières » au 19 mars 2024 : jurisprudences, Actualités du droit, 19 mars 2024).
 
Sur ce sujet, voir n° 320-28 Commentaire de la règle no 3 b) – Éléments à prendre en considération dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
RTC : invocabilité par un tiers
 
Jugé que les renseignements tarifaires contraignants « peuvent être invoqués à titre de preuve par tout autre personne que le titulaire, en particulier pour des instances liées au classement de produits similaires » (CA Nancy, 15 avr. 2024, nº 23/01293, Direction régionale des douanes et droits indirects et a. c/ Garrett Motion).
 
 
Attestation d’origine pour le SPG : quels contenus ?
 
Refus d’octroi de la préférence tarifaire dans le cadre du SPG. – L’article 107 du CDU, AE, dispose notamment que la Douane refuse d’octroyer les préférences tarifaires à l’importation dans l’UE, lorsque l’attestation d’origine que détient le déclarant n’a pas été établie par un exportateur enregistré dans le pays bénéficiaire (c) ou lorsque l’attestation d’origine n’a pas été établie conformément à l’annexe 22-07 de ce même CDU, AE (d) qui prévoit notamment qu’elle comporte une date d’établissement. À propos d’une demande de remboursement a posteriori d’un transitaire, la Douane refuse à ce dernier le bénéfice des préférences tarifaires du SPG s’agissant de marchandises originaires du Myanmar aux motifs notamment que, pour justifier de l'origine de la marchandise, il produit une facture émise par une société coréenne qui comporte la déclaration de l'exportateur prévue à l'annexe 22-07 précitée signée d’une société du Myanmar (pays bénéficiaire du SPG) et le numéro REX qui correspond à une société également du Myanmar. Pour la Douane, qui se prévaut donc de l’article 107 c) précité, l'attestation d'origine est apposée sur la facture établie par la société coréenne et il existe une discordance entre l'origine indiquée de la marchandise (Myanmar) et la nationalité coréenne de l'exportateur. Toutefois, pour le juge, le transitaire a fourni par la suite à l'administration « une nouvelle facture identique à la précédente à la différence » qu'elle comporte en qualité d’exportateur la société du Myanmar, pour le compte de la société coréenne : cette facture disposant d’une date d'établissement, l'exportateur étant l'auteur de l'attestation d'origine et les marchandises étant celles mentionnées sur la déclaration, l’attestation d'origine est conforme aux dispositions du CDU, AE, contrairement à ce que soutient la Douane (signalons un point de procédure : si la Douane a accordé un délai maximum de réponse au 1er août 2019 au transitaire et que celui-ci a transmis le 5 août 2019 ladite facture, pour le juge, il ressort de la décision du 8 août 2019 de l’administration qu'elle a néanmoins examiné cette facture et exposé les raisons de son rejet « sans se prévaloir d'une tardiveté » : aussi, « en prenant en compte ce dernier élément [Ndlr : la facture], elle a accepté de proroger le délai de réponse au 5 août 2019 et ne peut désormais se prévaloir du caractère tardif de cette facture »).

Dans cette affaire, le transitaire présentait aussi des listes de colisage comportant la déclaration/attestation d’origine, mais pour le juge, aucune de ces listes ne comporte une date d’établissement, et la date mentionnée de la facture à laquelle elles se rapportent n’est pas suffisante pour que ces documents soient conformes aux exigences de l'annexe 22-07 précitée : lesdites listes ne pouvaient en l’état être qualifiées d’attestation d’origine.
 
Preuve de l’origine dans le cadre du SPG. – L’article 104 du CDU, AE, concerne notamment les « discordances et erreurs formelles dans les déclarations d’origine » et dispose que « La constatation de légères discordances entre les mentions portées sur une attestation d’origine et celles qui figurent sur les documents présentés aux autorités douanières en vue de l’accomplissement des formalités d’importation des produits n’entraîne pas ipso facto la nullité de l’attestation d’origine s’il est dûment établi que le document correspond bien aux produits concernés ». Jugé sur le fondement de ce texte, s’agissant d’un transitaire ayant déclaré des marchandises à l’importation dans l’UE et présentant à la Douane un bon de commande mentionnant un nombre de pièces à destination de l’importateur (7666) inférieur de plus d'une centaine de pièces à celui mentionné sur la déclaration (7778), que « la totalité des marchandises déclarées n'est pas comprise dans le bon de commande » et qu’« il en résulte que la discordance n'est pas une discordance légère au sens de l’article 104 (…) et que le document ne peut constituer une attestation d'origine » (CA Rouen, 16 mai 2024, nº 23/01741, Administration des douanes et a. c/ Mondial Transports Marchandises).
 
Sur ce sujet, voir n° 350-64 « Attestation d'origine » au 1er janvier 2017 au plus tôt dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Valeur en douane : fiabilité du poids et fraude pour la méthode dite du dernier recours
 
La cour d’appel de Paris a rejeté la méthode du « dernier recours » utilisée par la Douane au motif que cette administration s'était contredite en appliquant cette méthode pour des déclarations d'importation litigieuses, « tout en accordant au poids des articles importés une qualité de fiabilité » qui ne correspond pas à ses affirmations s’agissant de l'existence de fraudes et d'irrégularités : la cour d’appel relevait notamment que la Douane dans ses écrits mentionnait « l'absence de toute information permettant d'identifier très précisément les marchandises importées » (CA Paris, 31 janv. 2022, n° 20/13715, Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) c/ Maison A… et Cie). L’administration a formé un pourvoi en cassation estimant qu’elle « devait seulement se baser sur des données disponibles dans le territoire douanier de l'Union par des moyens raisonnables permettant d'éviter de retenir des valeurs arbitraires ou fictives » et pouvait fonder l'application de ladite méthode sur des données relatives aux marchandises importées dont elle avait connaissance, tel que leur poids. Pour la Cour de cassation, qui suit l’administration, en statuant ainsi la cour d’appel a violé notamment le § 1 de l’article 31 de l’ex-Code des douanes communautaire, alors que pour déterminer la valeur en douane en application de cet article-ci (qui vise la méthode précitée), la Douane « pouvait se référer à des données relatives aux marchandises importées telles que leur poids » ; de fait, la Haute cour écarte la contradiction relevée par le juge du fond (Cass. com., 10 mai 2024, nº 22-15.207, renvoyant devant la cour d’appel de Paris). La solution serait la même sous l’empire du CDU.
 
Sur ce sujet, voir n° 380-10 Méthode dite du dernier recours : données disponibles pour la valeur en douane dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Exonération de TVA à l’exportation : moyen de preuve écarté
 
Une société ne présente pas l'un des éléments de preuve alternatifs prévus aux 1º à 4º du d du 1 de l’article 74 de l’annexe III du CGI (et ne peut donc pas bénéficier de l’exonération de TVA à l’exportation de l’article 262 du CGI) lorsque : elle produit, pour justifier de ces activités, une déclaration d'exportation s'agissant de marchandises exportées vers Bujumbura (Burundi) avec une valeur, mais que cette déclaration ne porte aucune mention de son nom ; elle produit en outre des lettres de transport qui ne font pas non plus systématiquement figurer son nom ; elle ne produit pas systématiquement les factures établissant l'achat et la revente des marchandises concernées, ni aucune preuve de paiement permettant de rattacher les exportations à la période en litige (TA Paris, 3e ch., 16 mai 2024, nº 2200955).
 
Sur ce sujet, voir n° 610-18 Preuves complémentaires de l'exportation dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
PV douanier : pas de nullité pour une erreur sur la position tarifaire
 
L’article 338 du Code des douanes dispose que « Les tribunaux ne peuvent admettre contre les procès-verbaux de douane d'autres nullités que celles résultant de l'omission des formalités prescrites par les articles 323-1, 324 à 332 et 334 » du même code. Sur ce point, la cour d’appel de Nancy rappelle une solution retenue par la Cour de cassation (CA Nancy, 15 avr. 2024, nº 23/01293, Direction régionale des douanes et droits indirects et a. c/ Garrett Motion, citant expressément Cass. com., 12 mai 2021, nº 19-13.551, exposée dans PV douanier : pas de nullité pour une erreur sur la position tarifaire retenue par la Douane, Actualités du droit, 18 mai 2021).
 
Sur ce sujet, voir 1010-82 Procès-verbal douanier de constat – Régularité du contenu dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Modulation des peines douanières : interprétation confirmée pour l’article 369
 
La Cour de cassation rappelle, à nouveau à propos d’un transfert non déclaré de capitaux :
  • que, selon l’article 369 du Code des douanes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal ;
  • que, selon l’article 365 du même code et les articles 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée ;
  • et qu’il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du Code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, « doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ».
 
Aussi, en confirmant la condamnation à une amende douanière en énonçant que son montant est égal à 50 % de la somme sur laquelle a porté l'infraction et qu'il constitue une juste application de l’article L. 152-4 précité, une cour d’appel n’a pas fait « apparaître qu'elle n'était pas tenue de prononcer l'amende minimale encoure » et n’a pas pris en considération l'ampleur et la gravité de l'infraction commise et la personnalité du prévenu pour déterminer son montant et a donc méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés (Cass. crim., 24 avr. 2024, nº 23-80.976). Sur le précédent arrêt – sur le même sujet et dans le même sens – de la Cour de cassation du 7 février 2024 qui permettra de remonter le fil de ses décisions en la matière, voir « Modulation des peines douanières : rappels sur l’article 369 » dans « Brèves douanières » au 15 février 2024, Actualités du droit, 16 févr. 2024).
 
Sur ce sujet, voir n° 1015-88 Modulation des peines (art. 369) dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Amende douanière et organisation d'insolvabilité : article 382 du Code des douanes et action paulienne
 
Une personne a été condamnée à une amende délictuelle pour détention de marchandises importées en contrebande et consent avec son conjoint, par acte authentique, une donation-partage à leurs trois enfants des parts sociales qu'ils détiennent dans des sociétés civiles immobilières ainsi que d'un bien immobilier. La Douane a assigné parents et enfants afin que ladite donation-partage lui soit déclarée inopposable et que le conjoint et les enfants soient condamnés à lui payer le montant de l’amende répartie à due proportion. Sur ce dernier point, l’administration se fonde sur le paragraphe 6 de l’article 382 du Code des douanes qui dispose : « En cas de condamnation à une pénalité pécuniaire prévue au présent code, lorsque l'administration dispose d'éléments permettant de présumer que le condamné a organisé son insolvabilité, elle peut demander au juge de condamner à la solidarité de paiement des sommes dues les personnes qui auront participé à l'organisation de cette insolvabilité ».
 
Interprétation. – Pour la Cour de cassation, il résulte de ce texte (qui ne distingue pas entre personne physique ou morale) « qu'une condamnation à la solidarité ne peut être prononcée que lorsque la preuve d'éléments laissant présumer que la personne condamnée à une amende douanière a organisé son insolvabilité est rapportée ». En l’espèce, la Haute cour approuve la cour d’appel d’avoir retenu, par son appréciation souveraine, qu’en participant à la donation le conjoint et les enfants (ceux-ci étant majeurs et capables de contracter) l’ont acceptée, de sorte qu'ils ne pouvaient ignorer qu’ils prêtaient leur concours à l'organisation d'insolvabilité afin d'éviter les conséquences fiscales des actes de la personne condamnée et de faire échec au recouvrement de la créance de la Douane : autrement dit, ils avaient conscience de participer à l'organisation de l'insolvabilité. La Cour de cassation ajoute que la cour d’appel n’avait pas à constater au titre de l’article précité l’insolvabilité de la personne condamnée (Cass. com., 10 mai 2024, nº 22-15.257).
 
Compétence juridictionnelle. – En application de l’article 357 bis du Code précité (« les tribunaux judiciaires connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toutes nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives »), seules les juridictions civiles sont compétentes pour connaître de l'action fondée sur le paragraphe 6 de l’article 382 dirigée « contre des personnes qui, bien qu'ayant participé à l'organisation de l'insolvabilité d'une personne condamnée à une amende douanière, ne sont pas poursuivies en qualité d'auteurs, coauteurs et complices du délit douanier ayant donné lieu à cette amende », toujours selon l'arrêt précité de la Cour de cassation. Celle-ci écarte ainsi la compétence des juridictions répressives avancée de manière erronée sur le fondement, dans le Code de procédure pénale, des articles 381 (« Le tribunal correctionnel connaît des délits ») et 383 (« La compétence à l'égard d'un prévenu s'étend à tous coauteurs et complices »).

Action paulienne. – La Cour de cassation estime que les conditions de cette action paulienne au sens de l’article 1341-2 du Code civil sont remplies et que la donation est donc inopposable à la Douane.

Sur une application de l’article 382 précité par CA Aix-en-Provence, 15 févr. 2024, nº 20/00558, X c/ Administration des douanes et droits indirects, voir « Amende douanière et organisation d'insolvabilité : action paulienne et article 382 du Code des douanes » dans « Brèves douanières » au 19 mars 2024 : jurisprudences, 20 mars 2024).
 
Sur ce sujet, voir n° 1639 Amendes douanières dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Procédure : représentation obligatoire et appel
 
Il est donné acte à deux opérateurs du désistement de leurs pourvois respectifs contre deux arrêts de la cour d’appel de Montpellier du 5 septembre 2023 (voir « Procédure : représentation obligatoire et appel » dans « Brèves douanières » au 29 septembre 2023 : la jurisprudence, Actualités du droit, 3 oct. 2023) par deux ordonnances de la Cour de cassation (Cass. Première Présidence, 23 mai 2024, nº 23-22.097 et Cass., Première Présidence, 23 mai 2024, nº 23-22.095).
 
Sur ce sujet, voir n° 1619 Règles de procédure civile dans Le Lamy transport, tome 2.
 
DEE et dette douanière
 
L’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 22 mars 2022 qui concernait à la fois le régime des retours (voir Dette douanière pour réimportation dans le cadre d’un ALE : sauvé par le régime des marchandises en retour, Actualités du droit, 30 mars 2022) et le droit d’être entendu (voir DEE : quel contenu pour l’avis de résultat d’enquête de la Douane ?, Actualités du droit, 30 mars 2022) a fait l’objet d’un pourvoi de la Douane que la Cour de cassation rejette au motif que le moyen invoqué « n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation » (Cass. com., 10 mai 2024, nº 22-17.448).