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Financement de l'entreprise

Affaires - Transport
15/02/2021
Pour développer ses activités, une entreprise de transport envisage de contracter un prêt (130 000 €) auprès d’un établissement bancaire, avant de solliciter les aides gouvernementales. Ce projet est le fruit d’une réflexion de plus d’un an, précipitée par la crise sanitaire dont le premier anniversaire (!) arrive à grand pas. Le gérant, arrivé dans l’entreprise en 2017, est résolu à se porter caution de ses engagements, à concurrence du montant de la somme qui serait empruntée. Une banque serait disposée à lui accorder ce prêt, qui serait remboursable en cinq ans ; cette banque devrait-elle mettre en garde ce gérant sur un risque d’endettement si le prêt est conclu ? En effet, son cautionnement pourrait être mis en jeu par la banque en cas de défaillance du débiteur.
Retour rapide sur l’engagement de cautionnement
Le cautionnement, souscrit par une personne qui a une influence sur la gestion de la société emprunteur, offre au créancier une meilleure garantie que cette dernière honorera ses engagements, car le dirigeant y est directement intéressé.
Cet engagement est un contrat passé, en son nom personnel, par l’associé ou le dirigeant et la banque (C. civ., art. 2288) et n’est pas une obligation attachée de plein droit à sa qualité d’associé ou de dirigeant. Par voie de conséquence, le cautionnement n’est pas ipso facto transmissible en cas de cession de parts sociales ou d’actions (Cass. com., 1 avr.1997, n° 94-17.178, Lamyline), ce qui n’empêche pas, lors de la négociation de la cession des titres, au cédant de demander à l’acquéreur de se substituer à lui dans ses obligations de caution.
Par ailleurs, la disparition du mobile – ou cause subjective – (désormais du but, depuis le 1er octobre 2016 ; C. civ., art. 1162, Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016), consécutif à une cession de ses parts dans la société cautionnée par l’associé, est également sans influence sur son engagement de caution, à moins que l’associé ait entendu en faire un motif déterminant de son engagement, porté à la connaissance de la banque créancière dans l’acte de caution.

Devoir de mise en garde de la banque
Le banquier est tenu à une obligation de mettre en garde ou d’alerter la caution profane ou non avertie – et les emprunteurs – sur les risques d’endettement encourus, nés de l’octroi du prêt ainsi garanti par l’engagement de cautionnement, peu importe que cet engagement soit adapté à ses propres capacités financières (Cass. com. 15 nov. 2017, n° 16-16.790 P+B+I, Lamyline). Cette obligation, qui a pour objet de rendre le consentement de la caution libre et éclairé, ne s’assimile ni à un devoir de conseil, ni à un devoir de refuser un engagement exposé ; et lorsqu’elle n’est pas respectée, elle engage la responsabilité de l’emprunteur. Encore faut-il que la caution soit profane.

Notion de caution avertie
Le non-averti se reconnaît « généralement, […] dans son inaptitude à évaluer lui-même les risques de l’opération financée par l’emprunt prétendu excessif. Cette qualité s’apprécie non seulement au regard de son niveau de qualification et de son expérience des affaires, mais aussi de la complexité de l’opération envisagée et de son implication personnelle dans l’affaire » (M. le PremierVincent Lamanda, « La responsabilité du banquier dans la délivrance du crédit », in Mélanges en l’honneur de Daniel Tricot, p. 33, 34).
Cela étant précisé, le caractère averti ou non de la caution s’apprécie au cas par cas et ne peut pas se déduire de sa seule qualité d’associé ou de dirigeant du débiteur principal (Cass. com., 3 févr. 2021, n° 18-24. 334 ; Cass. com. 22 mars 2016, n° 14-20.216, Lamyline, contra pour une présomption résultant de la qualité de gérant de la société cautionnée : Cass. com., 13 févr. 2007 n° 05-20.885 ; Cass. com. 9 févr. 2010, n° 09-13.432 Lamyline). Aussi, la qualité d’averti ne se déduit pas du seul fait que la caution ou l’emprunteur soit un professionnel (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n° 05-21.104, Lamyline). Le juge du fond apprécie souverainement (Cass. com. 11 avr. 2012, n° 10-25.904, Lamyline) et écarte la qualification de caution avertie lorsque la caution est dénuée d’expérience, de compétence ou n’est pas impliquée dans la gestion de la société qu’elle garantit (Cass. com., 3 févr. 2021, n° 18-24.334 précité ; Cass. com. 5 mai 2015, n° 14-10.834 ; Cass. com. 31 janv. 2012, n° 10-24.694, Lamyline). Dans l’arrêt rendu en février 2021, transposable dans le cas présent, la Cour de cassation considère que l’expérience professionnelle – de la vie des affaires – et la durée (quatre ans) de la caution suffisent à conférer à cette dernière sa qualité de caution avertie. Par voie de conséquence, en l’espèce, le banquier ne sera pas tenu de mettre en garde la caution sur un risque d’endettement né de son engagement de garantie.
À toutes fins, le devoir de mise en garde du banquier demeure à l’égard de la caution avertie si et seulement si elle justifie que la banque avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération, des informations qu’elle – ou la société emprunteur – ignorait (Cass. com., 16 déc. 2008, n° 07-20.413, Lamyline).

Responsabilité de la banque
Ne pouvant invoquer la responsabilité de la banque sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile pour méconnaissance de son devoir de mise en garde et par voie de conséquence espérer pouvoir compenser des dommages et intérêts avec le montant cautionné, la caution peut tenter d’invoquer les règles du cautionnement afin de contester l’éventuelle demande de mise en œuvre du cautionnement souscrit. 


Par Nanahira Razafimaharavo