<< Retour aux articles
Image

Déchéance de garantie

Affaires - Transport
15/02/2021
Même si l’assuré qui souscrit à un contrat d’assurance doit légitimement s’attendre à être indemnisé en cas de survenance d’un sinistre couvert par sa police, il est tenu d’effectuer certaines diligences, notamment une déclaration de sinistre. Cependant, pour déclencher la mise en œuvre de la garantie, cette déclaration doit répondre à certaines conditions édictées par la loi, sous peine de déchéance de garantie.
Dans une décision rendue le 21 janvier 2021, la Cour de cassation s’est attelée à rappeler les critères sur la base desquels la déchéance de garantie est opposable à un assuré. En l’espèce, il est reproché à ce dernier, une société d’exploitation agricole, de ne pas avoir avisé son assureur de l’évènement survenu dans le délai prévu par le contrat. Au soutien de son refus de garantie, l’assureur invoque le rapport d’expertise attestant que les dommages, consécutifs à des conditions climatiques défavorables, étaient déjà visibles trois mois avant la déclaration de sinistre. Or, le contrat signé par les parties fixe un délai de quatre jours pour transmettre une notification à l’assureur. C’est en se basant sur ces éléments factuels que la cour d’appel, censurée par la Haute juridiction, s’est montrée favorable aux prétentions de l’assureur (Cass. 2e civ., 21 janv. 2021, n° 19-13.347). La solution est transposable à tout sinistre.

Pas de délai inférieur à cinq jours ouvrés
 Saisie en sa qualité de juge du droit la Cour de cassation est appelée à vérifier que les juges du fond, souverains dans l’appréciation des faits qui leur sont soumis, ont correctement appliqué le droit auxdits faits. En matière de déchéance, le code des assurances impose à l’assuré de déclarer tout sinistre susceptible de mobiliser les garanties souscrites auprès de l’assureur dès qu’il en a eu connaissance, et au plus tard dans le délai fixé par la police tout en précisant que « ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés » (C. assur., art. L. 113-2). Mais le dénouement de ce litige résulte de l’article L. 111-2 du code des assurances, lequel dispose que l’article L. 113-2 précité du même code ne peut pas être modifié par convention. Par voie de conséquence, les parties peuvent uniquement convenir d’un délai supérieur aux cinq jours ouvrés constituant le minimum légal.

D’où la cassation, inévitable, de l’arrêt déféré ; l’occasion pour la Cour de rappeler, d’une part, qu’une clause contraire à une disposition d’ordre public est réputée non-écrite et devient inopposable à l’assuré car l’opposabilité d’une déchéance de garantie est subordonnée à la mention expresse, précise et très apparente (C. assur., art. L. 112-4), dans la police, du délai conventionnellement imparti et conforme à l’ordre public. D’autre part, même si la clause litigieuse avait été valide, il aurait, en plus, fallu démontrer que la tardivité de la déclaration, bien qu’avérée, a été préjudiciable à l’assureur. En transport routier de marchandises, ce préjudice consisterait donc, entre autres, en une forclusion des éventuelles actions que l’assureur aurait pu engager à l’encontre du responsable du sinistre, ou encore des expertises qui, si elles avaient été menées en temps et en heure, auraient permis de déterminer les responsabilités.

En définitive, la déchéance de garantie est très encadrée et difficile à mettre en œuvre. Cette difficulté s’explique aisément au regard des enjeux économiques pour les entreprises concernées, qui s’acquittent, comme il se doit, de leurs primes d’assurance et qui fournissent, en guise de garantie de solvabilité, leur attestation d’assurance à leurs partenaires commerciaux.

Par Aïcha Sylla Mendy