Achat en ligne et livraison : quelle prescription ?
Affaires - Transport
25/01/2021
Faits et procédure
Un couple de particuliers effectue une commande de fioul en ligne. Lors de la livraison, réalisée le 12 avril 2017 par un transporteur désigné par le vendeur, le fioul déborde de la cuve avant de se répandre sur le gazon et la terrasse et d’éclabousser la façade de la maison. S’ensuit, les 3 et 30 mai 2018, une assignation du prestataire par le destinataire lésé. Devant le tribunal, le défendeur invoque la prescription de l’article L. 133-6 du code de commerce mais ce moyen ne prospère pas auprès du juge, lequel déboute également le couple de particuliers de sa demande de réparation.
Le voiturier interjette appel en arguant de l’irrecevabilité de l’action du destinataire. Ce dernier conteste également le jugement en ce qu’il a écarté toute responsabilité du voiturier dans la survenance des dommages.
La cour d’appel saisie infirme le jugement et déclare prescrite la demande de réparation émanant des destinataires. Dès lors, la responsabilité du voiturier échappe à l’examen du juge.
Observations
▶ L’enjeu majeur de cet arrêt repose sur l’opposabilité de la prescription annale à un destinataire qui a uniquement commandé un produit en ligne, laissant ainsi au vendeur le soin et la responsabilité de désigner le transporteur de son choix pour la livraison dudit produit. Selon les premiers juges, la prescription annale n’est, en l’espèce, pas opposable au destinataire car ce dernier a simplement conclu un contrat de vente sur Internet et qu’il n’est pas à l’origine du contrat de transport. Que nenni, c’est sans compter sur l’article L. 132-8 du code de commerce qui dispose que : « la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire […] ». Partant de ce principe, le couple de destinataires a donc bien la qualité de partie au contrat de transport, même s’il ne figure pas en l’espèce sur le document de transport, à savoir le bon de livraison et ce en dépit du fait que le transport du produit acheté ait été réalisé à la demande du vendeur. Telle est la position de la cour.
▶ Cette solution est justifiée pour deux raisons :
1) en achetant le produit via un site Internet, le client ne peut ignorer que la livraison sera confiée à un voiturier, il est donc normal de le considérer comme étant partie au contrat de transport ;
2) en poursuivant le transporteur sur le terrain de sa responsabilité contractuelle – pour des dommages survenus dans le cadre de l’exécution de sa prestation – le destinataire est tenu de respecter la prescription annale de l’article L. 133-6 du code de commerce applicable au contrat de transport.
Dans cette affaire, la livraison litigieuse date du 12 avril 2017 et le premier acte d’assignation est intervenu le 3 mai 2018, soit au-delà du délai d’un an imparti pour agir en justice contre le voiturier. La prescription étant acquise, les questions de fond telles que le droit à réparation du destinataire et la responsabilité du voiturier dans le débordement de la cuve n’ont plus à être débattues.
(CA Amiens, 5 janv. 2021, n° 19/03396, SAS Inergence et SA Generali IARD c/ Y. et Z.).
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